LA BAMBOULA des BAMBOCCIANTI
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Le BAMBOCCIO
PIETER VAN LAER
Le peintre hollandais PIETER VAN LAER fut à l'origine du courant artistique singulier né dans ans la Rome du XVIIe siècle. Arrivé à Rome en 1625, il fut surnommé le bamboccio... sobriquet, qui signifie « bamboche » ou « pantin », ... une allusion dû à sa difformité et au corps disproportionné de P. Van Laer (cf. son Autoportrait, aux Offices)
Durant les quatorze années de son séjour dans la capitale italienne, Van Laer introduit une vision nouvelle de la réalité, faite de l'observation directe du quotidien le plus banal, vision qui, pour être traditionnelle dans la peinture de genre nordique (P. Bruegel l'Ancien), n'en était pas moins nouvelle à Rome et tranchait avec le réalisme poétique et grandiose de Caravage.
Les BAMBOCCIANTI
Ce courant, en marge de la grande peinture officielle, mythologique ou religieuse, fit école et fut qualifié "Bamboccianti"..
Les Bamboccianti (littéralement : bambocheurs qui est également à l'origine du mot français bambochard) sont des peintres qui, profitant du contexte favorable laissé par la révolution caravagesque, vont proposer une "peinture de genre " relatant la vie populaire de la Rome du XVIIe : des scènes représentant quelque fois crûment, la vie quotidienne des gens les plus modestes en marge de la grande peinture officielle, mythologique ou religieuse.
Parmi les sujets typiques représentés figurent les marchands d’aliments et de boissons, les fermiers et les filles de ferme au travail, des soldats au repos ou occupés à jouer, et des mendiants ou encore, en citant Salvator ROSA, satiriste, mais qui au milieu du XVIIe siècle s’en plaignit, « des coquins, escrocs, voleurs à la tire, des bandes d’ivrognes et de gloutons, des marchands de tabac et des barbiers dépenaillés et autres sujets "sordides"
Ces Bamboccianti, étaient pour la plupart des artistes originaires des Pays-Bas du nord et du Sud, qui emportèrent avec eux en Italie des traditions paysannes présentes dans la peinture de la Renaissance hollandaise et flamande du XVIe siècle (cf. les œuvres de Brueghel l'Ancien)
D'autre-part, profitant du contexte favorable laissé par la révolution plastique caravagesque sur laquelle ils s'alignent, ils offraient un nouveau marché privé et domestique, non plus centré sur les commandes ecclésiastiques et de la grande aristocratie, mais ouvert aussi à la clientèle bourgeoise. En effet, si la facture ramène au caravagisme, le sujet apportait une forte nouveauté : à savoir une précieuse identification entre Vie et Art.
Les Charlatans italiens, Classique évocation de comédiens ambulants qui tournent en dérision la médecine
Karel Dujardin, Forgeron ferrant un bœuf, années 1650 (Dulwich Picture Gallery, Londres)
Andries Both, La Chasse aux poux à la lumière d’une chandelle, vers 1630 (Magyar Szépmüvészeti Múzeum, Budapest).
Ces artistes adhèrent à la Schieldersbent (le «Syndicat des peintres »), groupement goliardique (« goliardique » fait référence aux goliards, un groupe de clercs et d'étudiants médiévaux qui menaient une vie dissolue et se moquaient des autorités religieuses et du pouvoir politique.) mi-association, mi-syndicat prétendant vendre leurs œuvres sur les trottoirs et refusant de payer au pape la taxe des métiers...
La confrérie a existé de 1620 à 1720 environ. Les membres, les Bentvueghels comptaient environ 480 membres au cours des 100 ans d'existence de la société. Parmi la première génération de membres du Bent, la plupart sont originaires d'Utrecht. À cette époque, Abraham Bloemaert avait créé son école de dessin d'Utrecht, dont la formation était complétée par un voyage en Italie.
Ces "volgari", cette "populace" ainsi nommée, venue de Flandre et de Hollande, se déclarent vouée, comme dans une secte, aux plaisirs de la boisson et du sexe et font scandale dans la Rome vaticane.
Le nom frappant de ce groupe provient de la façon dont ses membres se voyaient, à savoir un groupe d'oiseaux colorés. Avec leurs rituels et leurs coutumes, ils parodiaient les deux "maisons saintes" officielles de l'Italie : l'Église catholique romaine et l'Accademia di San Luca. On y faisait la fête entre compatriotes, mais ils étaient unis par la peinture.
On ne peut en aucun cas considérer la confrérie comme une école artistique : les peintres, dessinateurs, graveurs (pour ne parler que de ceux-ci) membres des Bentvueghels ont donné dans des genres variés. Il a pu cependant exister une certaine émulation entre des artistes qui ont fait partie de ce « club » au cours de la même période... Néanmoins la confrérie qui comprenait beaucoup de Bamboccianti, ce nouveau genre de dessins et de peintures illustrant la vie populaire romaine, fut fréquemment en désaccord avec l’Accademia di San Luca de Rome, laquelle avait pour but d’élever le travail d’« artiste » au-dessus de celui d’artisan..
LA DOLCE VITA des BENTVUEGHELS
En effet, ces peintres qui cherchaient à représenter la ville de Rome au quotidien en tentant de se défaire de la quête d’une beauté idéale qui tenait à cœur à beaucoup d’artistes du XVIIe siècle, ont aussi décidé de marquer leur identité, leur appartenance à ce groupe de Bentvueghels en représentant des scènes qui les caractérisaient. Ils se peignaient en honorant Bacchus à travers des tableaux de festin, ou encore en réalisant le signe de la « fica » jugé extrêmement insultant à l’époque, le pouce entre l’index et le majeur. Ces artistes choisissaient également leur propre décor, celui de la réalité, en peignant les tavernes où s’exprimaient leurs mœurs particulières où la boisson enivrait et troublait les perceptions. Ce groupe a su s’affirmer et s’est servi de l’iconographie pour se représenter.
Rituel d'initiation
Réception d'un nouveau membre de Bentvueghels, anonyme,c.1660.
Par ailleurs, la bande formée par ces artistes n’avait de cesse d’accueillir de nouveaux adeptes. Cette intronisation se faisait selon un rite initiatique auquel devait se plier la nouvelle recrue.
Ce rite se composait tout d’abord de la création de tableaux vivants. C’est le sujet du tableau ci-dessous de Roeland van Laer qui présente dans le fond une scène mythologique composée de nus en hommage au dieu du vin alors qu’au premier plan sont visibles des artistes s’adonnant au rite initiatique. L’homme en vert est l’initié, il est possible de le reconnaître grâce à sa position centrale et à l’homme qui le tient et lui indique la direction. L’homme assis, vêtu de blanc et portant une couronne de feuilles de vigne en hommage à Bacchus, est celui qui préside la cérémonie. Il tient dans sa main un rouleau qui lui donne autorité sur tous les autres.
Roeland Van Laer - Bentvueghels dans une auberge romaine (1626-1628), détail - Rome, Palazzo Braschi
Autre tableau relatant le rituel, au centre de la table se forme une pyramide humaine, allusion à Bacchus ou aux organes sexuels, avec au sommet une femme aux jambes écartées tenant des fioles superposées sur la tête et des verres à la main, tandis que celui qui la soutient fume béatement. Les spectateurs exultent, tout est léger, s’opposant au sérieux de l’art.
Les références à Bacchus et à Vénus et à l'ivresse pour "réchauffer" l'amour, pouvaient s'exprimer de façon très crues sur des gravures et sur les murs de ces osterie investies par ces Bentvueghels dans l'enclave située à Rome entre la piazza del Popolo et la piazza di Spagna, en particulier le long de la via Margutta
Réception d’un nouveau membre des Bentvueghels, ça. 1700, Matthijs Pool ( éventuellement ), après Dominicus van Wijnen, 1690 - 1710. Rijksmuseum
Malgré les succès syndiqués, les désaccords constants entre les Bent, la papauté et l’Académie de Saint-Luc ne s’épuiseront qu’avec la dissolution forcée de l’association en 1720.