mercredi, octobre 23, 2019

"Le vin à l'épreuve de l'art"... Sol Lewitt et David Templett dans le vignoble piémontais







"LE VIN A L'EPREUVE DE L'ART"

"Le paysage viticole du Piémont : Langhe-Roero et Monferrato" est l'appellation sous laquelle l'UNESCO a inscrit ce site piémontais du nord-ouest de l'Italie, sur la liste du patrimoine mondial. Le site est inscrit comme étant un « paysage culturel » : reconnu pour sa culture viticole qui a forgé le paysage au cours des siècles. Il comprend des territoires des provinces de Coni, Asti et Alessandria, dans la région des Langhe et du Monferrato.
Les LANGHE internationalement connue pour son vin d'appellation BAROLO est, aussi, réputée aussi pour gastronomie et son Marché aux truffes internationalement fréquenté ... 



Les longues lignées de vigne qui couvrent ce paysage collineux, créant un effet quasi hypnotique et qui passe du vert au doré selon les saisons, restent l'emblème de ce terroir.  Mais, depuis un certain nombre d'années, les vignes ne sont plus l'unique "spectacle" que proposent les vignobles qui s'est enrichi d'importantes, voire imposantes interventions artistiques et architecturales contemporaines. Phénomène que l'on retrouve dans le vignoble français, comme, en Provence, à ChÂTEAU LA COSTE, pour ne citer que l'un des plus médiatisés.... 



CAPPELLA DEL BAROLO-LA MORRA





Dans le Piémont, en cette année 2019, un anniversaire vient mettre en lumière l'émergence de l'intérêt esthétique que porte le monde de la vigne pour l'art et le plus souvent pour l'art contemporain : la CAPPELLA DEL BAROLO, devenue une icône des Langhe, fête son 20e anniversaire.  
Construite en 1914 par des agriculteurs locaux, et utilisée comme abri de fortune en cas de mauvais temps. Initialement appelé la Cappella delle SS. Madones de la Grâce, le petit bâtiment n’a jamais été consacrée. 
Dans les années 1970, la famille CERRETO achète cinq hectares de terrain comprenant, entre autres, le prestigieux vignoble BRUNATE et la chapelle laissée en ruine pendant de nombreuses années. Dans les années 90, En 1997, alors que l'artiste anglo-suisse DAVID TREMLETT prépare son exposition dans le Château de Barolo, il se lie d’amitié avec MARCELLO ET BRUNO CERRETTO, qui l’accueillent au domaine de Castiglione Falletto. Amoureux et amateurs d’art contemporain, les Ceretto acceptent la proposition de Tremlett, consistant à transformer l'ancienne église en une œuvre d'art.
Les travaux de rénovation commencent en 1998 ; Tremlett est rejoint en 1999 par SOL LeWITT, qui se charge de l’extérieur de la chapelle et Tremlett de l'intérieur.


1999-2019

Riccardo Ceretto, originaire de Valdivilla (frazione di Santo Stefano Belbo) fonda la CASA VINICOLA CERETTO dans la région d'Alba dans les années anni '30. 
Dans les années '60, ses fils, Bruno et Marcello (cf. Photo), choisissent et acquièrent des vignobles dans les Langhe et le Roero, parmi lesquels certains des meilleurs crus du Barolo et Barbaresco. cf.Ceretto Vini
Dans les années 90, leurs enfants  les rejoignent : Alessandro et Lisa (enfants de Marcello) et Federico et Roberta (enfants de Bruno) qui, après le projet de la Cappella, outre leur travail sur le vin, seront à l'initiative d'autres projets artistiques, architecturaux, mais aussi gastronomiques avec notamment un restaurant étoilé au Michelin...
cf.Ceretto  Expériences

IL CUBO (2000) : situé au sommet de la cave de Bricco Rocche à Castiglione Falletto



L'ACINO (2009), Tenuta Monsordo Bernardina, Alba : une grande bulle ovale panoramique, suspendue parmi les vignes pour évoquer le "grain de raisin". Ce projet reflète l’esprit Ceretto, toujours en équilibre entre tradition et renouveau. L’ancienne tenuta s'est agrandie d'espaces dédiés à la dégustation, à la vente de produits régionaux, à la promotion de rencontres et d’événements culturels.

"OVUNQUE PROTEGGIMI' (2012) de Valerio Berruti - Cantina Bricco Rocche, Castiglione Falletto. Sculpture conçue pour délimiter, ou protéger, comme son nom l’indique, les terres de Bricco Rocche, le cru symbole de la production des Barolo de la maison Ceretto.

AUTOMNE 2019 : "KEEPING TIME"


À l'occasion de ce 20e anniversaire, un programme d’événements "KEEPING TIME"s'est déroulé cet l’automne, pendant la saison des récoltes : un double vinyl, une publication et une série de performances inspirées par deux des thèmes principaux de la Chapelle : l’idée de l’art comme résultat d’un engagement collaboratif et la passion partagée de LeWitt et Tremlett pour la musique.

Ceretto expériences....et aussi

à ALBA
PIAZZA DUOMO
Piazza Risorgimento 4, 
www.piazzaduomoalba.it
Italian emotions, Japanese precision
Table gastronomique du chef Enrico Crippa avec 3* Michelin, réputée pour ses "piatti capolavoro", ses petits chefs-d'œuvre... En salle, une autre œuvre d'art occupe les murs delle de Francesco Clemente. Menu dégustation : 200€ 
Lien : ITALIAN EMOTIONS, JAPANESE PRECISION

ALBA
LA PIOLA
Piazza Risorgimento 4, 
On est accueilli par des œuvres de Kiki Smith et le service se fait dans une très belle collections d'assiettes d'artistes… sympathique piola (osteria di paese en piémontais) : recettes italiennes et régionales traditionnelles actualisées comme la Finanziere in casseruola (45€ environ)

DANS LA REGION..AUSSI



FRAMMENTI, à Monticello d'Alba : installation de Land Art de Valerio Berruti sur un mur en béton armé, érigé dans les années 60 dans le village, sur lequel ont été installés plus d'une centaine de bas-reliefs émaillés (Performance  de l'inauguration)



CHIESA DELLA BEATA MARIA VERGINE, à Coazollo (16 km d'Alba), peinte aux couleurs du terroir en 2017 par David Templett



FONDAZIONE SANDRETTO Re REBAUDENGO http://fsrr.org/
Piazza Roma, 1, 12050 Guarene 
La Fondation Sandretto Re Rebaudengo est une institution à but non lucratif fondée à Turin en 1995, qui soutient l'art contemporain, et en particulier la production de jeunes artistes. La fondation a deux lieux d'exposition : le centre de Turin et le Palazzo Re Rebaudengo à Guarene



FOIRE DE LA TRUFFE BLANCHE à ALBA en Novembre


OENO-GASTRO TOURISME dans les LANGHE 
d


GUIDE PRATIQUE
SE RESTAURER:
 LA MORRA
Cuisine piémontaise privilégiant les produits du pays dont les champignons et bien sûr a truffe en saison. Très belle et importante carte des vins (40€ environ)

CASTIGLIONE FALETTO
LA TERRAZZA WINE & FOOD
via Vittorio Emanuele
https://www.laterrazzadirenza.it/
Produits de saison pour des antipasti à déguster sur une terrasse panoramique sur le paysage des Langhe (20€)


SE LOGER :
TAMPAZZO - LA MORRA
Ambiance contemporaine élégante. Chambres avec vue. Excellent petit déjeuner. (Double 200€ environ ). 

ALBA - PIANNA GALLO 
LA CASCINA DE CARLOTTA
https://www.lacascinadicarlotta.it/
Un casolare de charme (double : 140€) et appartements (190€/4)

CASTIGLIONE TINELLA
ALBERGO CASTIGLIONE LANGHE
GUARENE
On loge dans un casolare datant de 1642. Dans la cantina de la propriété la dégustation de vins peut s‘accompagner d’une assiette de charcuterie et fromage.



REPERE CARTOGRAPHIQUE


POUR ALLER PLUS LOIN...
BIBLIOGRAPHIE


Christiane Amiel 
chapitre : p. 83-108 : "Le vin à l’épreuve de l’art" / Figures d’une dualité en Corbières
cf.texte Intégral (2004)

Extrait du chapitre de C. Amiel
Depuis une vingtaine d’années, l’image jusqu’alors négative du Midi viticole, producteur de « gros rouge », a complètement changé. A cheval sur l’Aude et les Pyrénées-Orientales, les Corbières sont aujourd’hui un lieu d’appellations prestigieuses. Dans le même temps, la région a développé un tourisme axé sur la beauté de ses sites naturels et la richesse de son patrimoine historique. Haltes sur les Routes des abbayes ou des châteaux cathares, les caves coopératives associent dégustation des vins et découverte de la culture locale. La fidélité au passé, le respect de la tradition, les notions de terroir et d’authenticité sont depuis longtemps des valeurs de référence pour la promotion des crus. Petits pressoirs à vis, tonneaux, anciennes hottes à vendange, bouteilles et bonbonnes poussiéreuses, vieux outils et vieilles photos, les celliers viticoles ont longtemps ressemblé à de désuets musées folkloriques. Mais, aujourd’hui, de nombreuses caves – coopératives et privées se transforment en galeries d’art en organisant, dans leurs locaux et à leur frais, des expositions de peinture. Cette juxtaposition du vin avec des œuvres, qui n’entretiennent pas nécessairement un lien direct avec la vigne et le vin, marque indubitablement un tournant et témoigne de l’émergence d’une nouvelle esthétique dans le monde de la viticulture audoise.

Il y a là incontestablement une question de marketing et personne ne s’en cache. Pour beaucoup de vignerons, la mutation de la cave en un lieu ouvert sur différentes formes de la sensibilité esthétique s’inscrit dans une réflexion sur la nouvelle image du vin. Nous sommes à un moment de bascule où on est passé de la quantité à la qualité, du paysan viticulteur soucieux du seul rendement à l’hectare au vigneron récoltant, véritable créateur de crus personnalisés. Les prix aussi ont changé et tout le monde a conscience que l’on ne peut présenter de la même façon qu’hier des bouteilles qui se vendent maintenant jusqu’à quinze euros et plus parfois. Mais il nous semble que l’on ne saurait réduire à une seule question de marketing la mise en relation du vin et de l’art. Et même, si parfois cela peut être le cas, ne faut-il pas justement se demander pourquoi et comment, aujourd’hui, c’est à l’art que l’on en appelle pour vendre le vin ?

Il importe de dire qu’il ne s’agit pas là d’un processus absolument consensuel et que des polémiques existent à propos de la pertinence de cette association. Car, loin d’être la mise en application d’un modèle commun et concerté, ce mouvement est le fait d’un ensemble de tentatives individuelles et variées. Chacun cherche sa propre voie, avançant par tâtonnements, à coups d’essais, de doutes, de théorisations plus ou moins élaborées qui n’hésitent pas parfois à mêler les plans de l’économique et de l’esthétique.

Il saute d’abord aux yeux que cette diversité s’organise, schématiquement, autour de deux types d’exposition : créations d’art contemporain et œuvres figuratives des peintres locaux. Ce partage semble lié à deux types d’acteurs : les nouveaux et les anciens viticulteurs, les premiers venus d’ailleurs, et qui ont souvent été à l’origine de la revalorisation du vignoble, les seconds d’origine autochtone. Mais cette distinction sociologique ne recoupe pas forcément le partage entre les deux types d’exposition. Le tableau est plus nuancé, et se double d’une division entre caves particulières et caves coopératives : les premières jouant volontiers la carte de la nouveauté et endossant parfois le rôle de mécène, les secondes plus enclines à la simple présentation d’œuvres classiques destinées à animer l’espace des caveaux.

L’une des tentations que l’on pourrait avoir serait de penser ce partage en termes de jugement de valeur, entre « bonnes » expositions et expositions de style amateur, ces dernières n’étant que de pâles imitations des premières. Mais, au-delà de ce clivage bien réel, l’analyse ethnologique nous en révèle un autre, bien plus significatif : sous la même apparence les expositions de peinture dans les caveaux viticoles traduisent, en fait, deux démarches différentes, deux conceptions de la relation entre vin et art. D’un côté nous avons des propositions centrales qui affirment leur analogie structurelle, de l’autre nous avons des tentatives de les marier harmonieusement. D’un côté vin et art sont mis sur le même plan, simplement réunis par un jeu d’écho qui n’affecte jamais l’intégrité et la spécificité de chacun, de l’autre on cherche à les faire se valoriser l’un l’autre comme deux objets non plus similaires mais complémentaires. D’un côté, il s’agit de définir et de promouvoir une esthétique du vin, de l’autre on se contente de mettre en place une esthétique autour du vin.

Mais ces deux références, l’une s’attachant davantage à tout ce qui touche à la création et à l’art contemporain, l’autre à l’histoire et au patrimoine, ne sont pas contradictoires, même si elles s’opposent, parfois, dans des débats qui traduisent autant les goûts personnels des protagonistes que des stratégies de l’image de marque. C’est, au contraire, leur conciliation qui confère à la conversion esthétique sa diversité dynamique et son énergie passionnelle. Dans ce contexte, il va de soi que l’on ne saurait établir de frontière étanche entre les deux démarches, pas plus que l’on ne saurait instituer de typologie rigide entre les différents acteurs. Des uns aux autres, les jeux d’échange sont quasi permanents et témoignent de la diversité des façons à travers lesquelles chacun tente de définir la spécificité de son imaginaire du vin. Nous avons ici l’occasion de saisir sur le vif l’émergence d’un ensemble de concepts introduisant le vin, produit déjà chargé de très fortes valeurs, religieuses, sociales, familiales, dans un nouveau domaine, celui de l’esthétique....