dimanche, juin 04, 2023

LA BAMBOULA des BAMBOCCIANTI




INFO-ACTUALITE

LIEN


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Le BAMBOCCIO
PIETER VAN LAER
Le peintre hollandais PIETER VAN LAER fut à l'origine du courant artistique singulier né dans ans la Rome du XVIIe siècle. Arrivé à Rome en 1625, il fut surnommé le bamboccio...  sobriquet, qui signifie « bamboche » ou « pantin », ... une allusion dû à sa difformité et au corps disproportionné de P. Van Laer (cf.  son Autoportrait, aux Offices)
Durant les quatorze années de son séjour dans la capitale italienne, Van Laer introduit une vision nouvelle de la réalité, faite de l'observation directe du quotidien le plus banal, vision qui, pour être traditionnelle dans la peinture de genre nordique (P. Bruegel l'Ancien), n'en était pas moins nouvelle à Rome et tranchait avec le réalisme poétique et grandiose de Caravage.
David brandissant la tête de Goliath
 par Le Caravage, 1606-1610 (détail)

Les BAMBOCCIANTI
Ce courant, en marge de la grande peinture officielle, mythologique ou religieuse, fit école et fut qualifié "Bamboccianti"..
Les Bamboccianti (littéralement : bambocheurs qui est également à l'origine du mot français bambochard) sont des peintres qui, profitant du contexte favorable laissé par la révolution caravagesque, vont proposer une "peinture de genre " relatant la vie populaire de la Rome du XVIIe : des scènes représentant quelque fois crûment, la vie quotidienne des gens les plus modestes en marge de la grande peinture officielle, mythologique ou religieuse. 
Parmi les sujets typiques représentés figurent les marchands d’aliments et de boissons, les fermiers et les filles de ferme au travail, des soldats au repos ou occupés à jouer, et des mendiants ou encore, en citant Salvator ROSA, satiriste, mais qui au milieu du XVIIe siècle s’en plaignit, « des coquins, escrocs, voleurs à la tire, des bandes d’ivrognes et de gloutons, des marchands de tabac et des barbiers dépenaillés et autres sujets "sordides"
Ces Bamboccianti, étaient pour la plupart des artistes originaires des Pays-Bas du nord et du Sud, qui emportèrent avec eux en Italie des traditions paysannes présentes dans la peinture de la Renaissance hollandaise et flamande du XVIe siècle (cf. les œuvres de Brueghel l'Ancien)
D'autre-part, profitant du contexte favorable laissé par la révolution plastique caravagesque sur laquelle ils s'alignent, ils offraient un nouveau marché privé et domestique, non plus centré sur les commandes ecclésiastiques et de la grande aristocratie, mais ouvert aussi à la clientèle bourgeoise. En effet, si la facture ramène au caravagisme, le sujet apportait une forte nouveauté : à savoir une précieuse identification entre Vie et Art.

Les Charlatans italiens, Classique évocation de comédiens ambulants qui tournent en dérision la médecine

Karel Dujardin, Forgeron ferrant un bœuf, années 1650 (Dulwich Picture Gallery, Londres)



Andries Both, La Chasse aux poux à la lumière d’une chandelle,  vers 1630 (Magyar Szépmüvészeti Múzeum, Budapest).

Court of a Tavern" Pieter van Laer


LA GUILDE SCHIELDERSBENT
Ces artistes adhèrent à la Schieldersbent (le «Syndicat des peintres »), groupement goliardique (« goliardique » fait référence aux goliards, un groupe de clercs et d'étudiants médiévaux qui menaient une vie dissolue et se moquaient des autorités religieuses et du pouvoir politique.) mi-association, mi-syndicat prétendant vendre leurs œuvres sur les trottoirs et refusant de payer au pape la taxe des métiers... 
La confrérie a existé de 1620 à 1720 environ. Les membres, les Bentvueghels comptaient environ 480 membres au cours des 100 ans d'existence de la société. Parmi la première génération de membres du Bent, la plupart sont originaires d'Utrecht. À cette époque, Abraham Bloemaert avait créé son école de dessin d'Utrecht, dont la formation était complétée par un voyage en Italie.
Ces "volgari", cette "populace" ainsi nommée, venue de Flandre et de Hollande, se déclarent vouée, comme dans une secte, aux plaisirs de la boisson et du sexe et font scandale dans la Rome vaticane.
Le nom frappant de ce groupe provient de la façon dont ses membres se voyaient, à savoir un groupe d'oiseaux colorés. Avec leurs rituels et leurs coutumes, ils parodiaient les deux "maisons saintes" officielles de l'Italie : l'Église catholique romaine et l'Accademia di San Luca. On y faisait la fête entre compatriotes, mais ils étaient unis par la peinture.
On ne peut en aucun cas considérer la confrérie comme une école artistique : les peintres, dessinateurs, graveurs (pour ne parler que de ceux-ci) membres des Bentvueghels ont donné dans des genres variés.    Il a pu cependant exister une certaine émulation entre des artistes qui ont fait partie de ce « club » au cours de la même période... Néanmoins la confrérie qui comprenait beaucoup de Bamboccianti, ce nouveau genre de dessins et de peintures illustrant la vie populaire romaine,  fut fréquemment en désaccord avec l’Accademia di San Luca de Rome, laquelle avait pour but d’élever le travail d’« artiste » au-dessus de celui d’artisan.. 


LA DOLCE VITA des BENTVUEGHELS
En effet, ces peintres qui cherchaient à représenter la ville de Rome au quotidien en tentant de se défaire de la quête d’une beauté idéale qui tenait à cœur à beaucoup d’artistes du XVIIe siècle, ont aussi décidé de marquer leur identité, leur appartenance à ce groupe de Bentvueghels en représentant des scènes qui les caractérisaient. Ils se peignaient en honorant Bacchus à travers des tableaux de festin, ou encore en réalisant le signe de la « fica » jugé extrêmement insultant à l’époque, le pouce entre l’index et le majeur. Ces artistes choisissaient également leur propre décor, celui de la réalité, en peignant les tavernes  où s’exprimaient leurs mœurs particulières où la boisson enivrait et troublait les perceptions. Ce groupe a su s’affirmer et s’est servi de l’iconographie pour se représenter.


Anonyme, Homme faisant le geste de la fica,vers 1615-1625 (Petit Palais, Paris)


Rituel d'initiation
Réception d'un nouveau membre de Bentvueghels, anonyme,c.1660.
Par ailleurs, la bande formée par ces artistes n’avait de cesse d’accueillir de nouveaux adeptes. Cette intronisation se faisait selon un rite initiatique auquel devait se plier la nouvelle recrue.
Ce rite se composait tout d’abord de la création de tableaux vivants. C’est le sujet du tableau ci-dessous de Roeland van Laer qui présente dans le fond une scène mythologique composée de nus en hommage au dieu du vin alors qu’au premier plan sont visibles des artistes s’adonnant au rite initiatique. L’homme en vert est l’initié, il est possible de le reconnaître grâce à sa position centrale et à l’homme qui le tient et lui indique la direction. L’homme assis, vêtu de blanc et portant une couronne de feuilles de vigne en hommage à Bacchus, est celui qui préside la cérémonie. Il tient dans sa main un rouleau qui lui donne autorité sur tous les autres.


Roeland Van Laer - Bentvueghels dans une auberge romaine (1626-1628), détail - Rome, Palazzo Braschi 
Autre tableau relatant le rituel, au centre de la table se forme une pyramide humaine, allusion à Bacchus ou aux organes sexuels, avec au sommet une femme aux jambes écartées tenant des fioles superposées sur la tête et des verres à la main, tandis que celui qui la soutient fume béatement. Les spectateurs exultent, tout est léger, s’opposant au sérieux de l’art. 
Les références à Bacchus et à Vénus et à l'ivresse pour "réchauffer" l'amour, pouvaient s'exprimer  de façon très crues sur des gravures et sur les murs de ces osterie investies par ces Bentvueghels dans l'enclave située à Rome entre la piazza del Popolo et la piazza di Spagna, en particulier le long de la via Margutta
Réception d’un nouveau membre des Bentvueghels, ça. 1700, Matthijs Pool ( éventuellement ), après Dominicus van Wijnen, 1690 - 1710. Rijksmuseum

Malgré les succès syndiqués, les désaccords constants entre les Bent, la papauté et l’Académie de Saint-Luc  ne s’épuiseront qu’avec la dissolution forcée de l’association en 1720.




vendredi, avril 14, 2023

PERGOLESE ou MERGOLESE ?




 
PERGOLESI


Vue des remparts de Jesi
Giovanni Battista Draghi dit Pergolesi (né le 4 janvier 1710 à JESI —province d’Ancône, dans les Marches italiennes alors partie des États pontificaux— et mort à Pozzuoli le 16 mars 1736), est un compositeur, organiste et violoniste italien de l’époque baroque considéré comme l’un des plus grands musiciens italiens de la première moitié du XVIIIe siècle et l’un des grands représentants de l’école de musique napolitaine. 
Les origines de Pergolèse sont modestes.  Son grand père Gian Battista Draghi quitte le village de Pergola en1635 pour s’installer à Jesi où il exerce le métier de cordonnier. La famille Draghi prend ainsi peu à peu le nom de PERGOLESI (ceux qui arrivaient de Pergola)… Giovanni Battista y est né l4 janvier 1710. Dès l'enfance, il étudie la musique avec Gaetano Greco est Francesco Durante au conservatoire de Naples, un des plus hauts lieux de la musique européenne jusqu’au siècle dernier.
Outre la précocité de ses dons, il est probable qu’une santé particulièrement fragile (une phitsie chronique) ait convaincu ses parents à encourager une carrière si peu conforme à leur éducation. La mort en effet, cueillit Pergolèse en 1736 (à 26 ans) au Couvent des Franciscains de Pozzuoli où il fut enterré le 17 mars. La modestie de ses origines, l’allure légèrement gauche, une sorte de  retenue et de timidité toute paysanne, le dépouillement mystique des formes religieuses du temps ont fortement joué sur l’inspiration musicale du compositeur  confrontée au théâtre de la vie napolitaine du  XVIIIe siècle.
Précoce mais courte, la carrière de Pergolèse qui ne dura que six années, fut active mais ne suscita, du vivant du compositeur, qu’un intérêt modeste. 
Il réussit à réaliser des œuvres de grande valeur artistique et d’importance historique, parmi lesquelles on peut citer, entre autres, La serva padrona, référence fondamentale pour le développement et la diffusion de l’opéra-buffa en Europe, L’Olimpiade, considérée comme l’un des chefs-d’œuvre de l’opéra serial de la première moitié du XVIIIe siècle et le Stabat Mater, parmi les plus importantes compositions de musique sacrée de tous les temps
Tout au long de sa courte vie, parallèlement à son activité d’opéra, Pergolèse fut un auteur fécond de musique sacrée, mais ce n’est que dans ses derniers mois de vie qu’il composa ceux qui sont considérés comme son héritage le plus important dans ce domaine : il s’agit du Salve Regina de 1736 et du contemporain Stabat Mater pour orchestre à cordes, soprano et contralto, que la tradition veut qu’il ait été achevé le jour même de sa mort.


STABAT MATER 
de PERGOLESE
page du manuscrit autographe du Stabat mater de Pergolese (O quam tristis et afflicta).
Ce Stabat Mater est basé sur un texte liturgique du XIIIe siècle méditant sur la souffrance de la Vierge Marie, mère du Christ. 
Pergolèse compose cette œuvre religieuse pendant les dernières semaines de sa vie, dans le monastère de Pouzzoli. La tradition veut que l’œuvre ait été achevée le jour même de sa mort (16 mars 1736). On ne sait pas si cette anecdote est vraisemblable mais, comme le suggère l’étude de la partition, l’auteur avait hâte d'en terminer, si l'on en croit les nombreuses erreurs typiques de quelqu'un qui a peu de temps devant lui et par l’inscription en bas "Finis Laus Deo", soulagé d’avoir eu le temps de finir le travail. 
La morte di Pergolese scrivendo lo Stabat Mater, vidit suum dulcem natum moriendo desolatum. Disegno a carboncino, matita e gessetto bianco su carta ocra, 1854. Torino, Galleria Civica d'Arte Moderna e Contemporanea
L'œuvre est construite comme une cantate italienne du XVIIIe siècle, avec arias et duos. Pergolèse reprend l'intégralité du texte de la prose médiévale (20 tercets) mais les regroupe parfois dans la même pièce (13 pièces). L'œuvre est écrite pour soprano, alto, cordes et continuo. Elle fut à l'origine et pendant longtemps, chantée par des castrats, ou éventuellement des garçons sopranistes, l’Église interdisant le chant féminin dans les offices !.
Les innovations dans le domaine de la musique sacrée, se trouvent ici d’un point de vue stylistique avec une approche plus sentimentale (théorie des affections), centrée sur le pathos du texte sacré,  et, d’un point de vue technique-composition : allégement des tons austères présents par exemple dans la version de Scarlatti. 
Comme l’indique l’historien et voyageur Charles Burney : « … dès l’instant où sa mort fut connue, toute l’Italie manifesta le vif désir d’entendre et de posséder ses œuvres ». En effet, le mythe qui est né dans toute l’Europe autour de sa vie et de son œuvre après sa disparition représente un phénomène exceptionnel dans l’histoire de la musique. Mozart connaîtra après sa mort un phénomène similaire.
Le Stabat Mater a toujours eu une certaine notoriété. De nombreux musiciens s’en sont inspirés dans certaines de leurs compositions, comme Giovanni Gualberto Brunetti, Camillo De Nardis et Giovanni Paisiello. Johann Sebastian Bach, dans son motet Tilge, Höchster, meine Sünden (BWV 1083).


AUJOURDHUI : 
ÊTES-VOUS PERGOLESE ou MERGOLESE
Avril 2023 : au "Festival Lyon Pascal" 
Hostile à « toute promotion de l’inégalité femme-homme », 
la MAirie de Lyon et son adjointe à la Culture déprogramment 
le STABAT MATER de PERGOLESE en ouverture
pour un STABAT MATER de MERGOLESE
 La Mise au tombeau  Caravage, Musées du Vatican à Rome. 
« Vous comprendrez », explique l’élue, «que la représentation municipale ne peut soutenir une manifestation qui prône la soumission et l’inégalité femme-homme, dans des termes offensants pour nos administré.e.s ». 
EN CAUSE
les vers du quatorzième tercet :   Juxta crucem tecum stare et me sibi sociare in planctu desidero. "Près de la croix, avec toi rester et m'associer avec toi, dans le deuil, voilà mon désir."  Le texte de la séquence évoque la souffrance de Marie lors de la crucifixion de son fils Jésus-Christ.
À SAVOIR : STABAT MATER signifie en latin « la mère se tenait debout ». C'est à l'origine un texte du XIIIe siècle qui évoque la scène religieuse de la crucifixion et la douleur de la Vierge au pied de la croix. Cette scène tragique, la perte d'un fils, est intemporelle... et ce sont les mots d’une mère dont il s'agit (MARIE).
LA POLEMIQUE : 
Pour Kevin Pageot, préposé à l'association "Veille des Solidarités et du Vivre-ensemble inclusif" : une « incitation d’un autre âge à abdiquer toute autonomie féminine. »….
 Fabienne Lotte, qui dirige le "Concert des Canuts" depuis 2011, ayant refusé de modifier son programme, on donnera donc. « la parole aux voix étouffées » et le concert s’achèvera sur un « Stabat Mater de Mergolèse » (Diapason) !!!

La Pietà de Michel-Ange (basilique Saint-Pierre du Vatican à Rome, Italie)...  Jusqu'à quand ?






mardi, février 28, 2023

L' Art et la douleur des "compianti" italiens



des Compianti italiens

Compianto del Cristo Morto GUIDO MAZZONI 


Le Christ paupières closes, gisant immobile… autour les Marie et les disciples, dépassés par la mort de Celui qui incarnait l’espérance. C’est cette tragédie de l’humanité que l’artiste et son argile veulent exprimer pour donner forme à la souffrance à travers la création douloureuse d’apparences humaines...
Pour les croyants, ce sera ensuite la Résurrection et le retour à la Lumière, mais c’est ce moment décisif et partagé qui, à travers l’art, devient concret.
Autant de réflexions qu'évoque la Compianto del Cristo Morto que GUIDO MAZZONI réalisa en 1476-77) pour pour l'Eglise Santa Maria degli Angeli à Busseto (Emilie Romagne), époque ou le sujet (les groupes de statues polychromes grandeur nature, en terre cuite ou en bois (car pas de marbre dans cette région), représentant les Lamentations autour du Christ mort) fut, au XVe siècle, un genre artistique qui connut une grande popularité en Italie du Nord.
  
L’église de Busseto fut élevée à partir de 1470 par le financement des frères Gian Lodovico et Pallavicino Pallavicini, (issu d'une des une des plus illustres familles patriciennes de l'Italie septentrionale du Moyen Âge) en application des dispositions testamentaires de son père, le marquis Rolando le Magnifique, disparu en 1457 ; le chantier du couvent franciscain annexe commença en 1472 et les travaux s’achevèrent en 1474. Le complexe a été conçu dans le style gothique, bien qu’à l’époque de la Renaissance, en conformité avec les structures conventuelles franciscaines typiques de l’époque, caractérisées par la sobriété des façades et des intérieurs. En 1475, les frères entrèrent dans le couvent, y organisant déjà en 1480 un chapitre provincial de l’Ordre.


À l’intérieur d’une fausse grotte aménagée à côté de la chapelle de saint François, surmontée du blason en plâtre des commanditaires soutenu par deux anges affligés se trouve  l’œuvre la plus précieuse de toute l’église, les huit statues en terre cuite peinte en grandeur nature. 

« Les personnages réunis autour du Christ mort suivent l’ordre traditionnel : le premier (sur la gauche) est Joseph d’Arimathée, suivi de Saint Jean l’Évangéliste, Marie Salomé, la Madone, Marie de Cléophas, Marie-Madeleine et Nicodème. 
Joseph d’Arimathée et Nicodème (qui ont peut-être les traits des commanditaires de l’œuvre) encadrent le groupe, comme les deux bords d’un cadre. Joseph tient à la main les clous, tandis que Nicodème a un marteau dans la main droite et une paire de tenailles enfilée dans sa ceinture. 
Tous les personnages expriment leur douleur, qui devient donc une "douleur chorale", même si elle reste plutôt mesurée. Les expressions sont uniformes, avec une certaine accentuation chez Marie de Cléophas, et surtout chez Marie-Madeleine...(cf.Giovanni Reale et Elisabetta Sgarbi auteurs de Il Pianto della statua (Les Pleurs de la statue), publié en 2008 (éditions Bompiani)...



On remarquera en particulier que chez la Madone, c’est toute la personne qui parle. Elle est agenouillée, les mains serrées avec les doigts entrelacés ; sa tête est penchée et son regard désolé est fixé sur son fils. Le cri, même s’il est contenu, le corps ainsi représenté et les mains jointes expriment très bien la douleur de la mère, avec un réalisme puissant et délicat.

n remarquera aussi le cri de douleur exprimé par le personnage de Marie de Cléophas et le mouvement des mains qui cherchent à se cramponner à son vêtement comme pour prévenir une chute.


La douleur est aussi parlante chez Marie-Madeleine ; elle passe par le cri, plus accentué que chez les autres personnages, mais aussi par le corps, légèrement penché, et par le mouvement des bras et des mains. Dans la bouche ouverte pour le cri, Mazzoni met en évidence la langue. Toutefois, l’expression de la douleur de la femme n’accède pas à une dimension expressionniste, comme c’est le cas chez Niccolò dell’Arca ; il demeure ici purement réaliste, et attaché à la grammaire et à la syntaxe classiques de la "juste mesure".
Il faut enfin noter l’impact émotionnel suscité par la présence des larmes sur les visages de Marie-Madeleine, de Marie de Cléophas et de la Madone. 
Dans ce premier Compianto de Mazzoni, la douleur s’exprime déjà non seulement par le cri et les pleurs, mais aussi par les positions particulières des corps et les mouvements des bras et des mains. Bien avant la psychologie moderne, les artistes avaient depuis longtemps compris que notre corps possède un langage précis, avec lequel il manifeste des sentiments et les exprime d’une façon qui peut-être très forte. 
Guido Mazzoni réalisa six compianti : à Busseto (1476-77), à Modène (1477-79), à Crémone (il a malheureusement été perdu), à Ferrare (1483-85), à Venise (1485-89, il n’en reste que des fragments, conservés à Padoue), à Naples (1492, pour l’église de Monte Oliveto). 

Le plus "remarquable" des Compianti est sans doute celui de Niccolò dell’Arca, 
que l’on peut voir à Bologne, dans l’Eglise de Santa Maria della Vita.


LA DOULEUR... en musique aussi
PERGOLESE Stabat Mater : I.Stabat Mater dolorosa
Extrait, écoutez 




Busseto commune de la province de Parme dans la région d'Émilie-Romagne en Italie, surtout connu pour être le hameau de naissance du compositeur Giuseppe Verdi et la ville dans laquelle il a fait ses premiers pas musicaux. (cf. blog)



lundi, novembre 07, 2022

Giuseppe Verdi, Nabucco, le Chœur des Esclaves





BUON NATALE

FELICE ANNO NUOVO




"VA PENSIERO" 

LE CHOEUR DES ESCLAVES
Les Éditions Buchet-Chastel (29 septembre 2022)


Extrait de l’opéra Nabucco créé en 1842, cet air entendu mille fois au cinéma fait partie des « standards » que tout le monde reconnaît mais dont beaucoup ignorent la signification :  concert de soutien aux troupes italiennes engagées dans la Première Guerre mondiale ; une rencontre des jeunesses nazies et fascistes ; une manifestation pour l’école dite « libre » ; un concert hommage à Ground Zero ; un spectacle commémorant les cinquante ans d’Israël ; un meeting de la Ligue du Nord ; une manifestation de Gilets jaunes… Tous ces événements ont en commun un point culminant : l’interprétation du « Chœur des esclaves » de Verdi.
" En racontant l'histoire de cet air et en revenant sur les usages successifs qui en ont été faits, tant en politique que dans les arts, Antonin Durand décrypte l’un des opéras les plus joués au monde et va à l’encontre ce faisant de bon nombre d’idées reçues. Entre « lieu de mémoire » et chronique de l’Italie des xixe et xxe siècles, cette biographie d’un air où se mêlent musique, patriotisme et histoire, donne à voir toute la force de l’œuvre de Verdi.Avec Nabucco, Verdi offre aux Italiens un opéra épique, mais qui ne tarde pas à devenir un symbole politique. Le chœur « Va pensiero » incarne la liberté tant désirée et le rêve de l’unification de l’Italie. L’enthousiasme patriotique irrigue l’oeuvre et tranche avec les partitions de Bellini et de Donizetti auxquelles le public est alors habitué."


NABUCCO 9 mars 1842
Nabucco met en scène une histoire d'amour, sur fond de conflit de pouvoir et de guerre. Le 9 mars 1842, Nabucco est créé à la Scala de Milan. C'est le 3ème opéra de Verdi.
Aux temps bibliques, le peuple hébreu est réduit en esclavage par Nabucco, roi de Babylone, qui insulte leur Dieu et s'en trouve foudroyé. Sa fille présumée, Abigaïlle – en réalité une esclave –, prend le pouvoir et condamne à mort les Hébreux et Fenena, la véritable fille de Nabucco.
Avec Nabucco, Verdi offre aux Italiens un opéra épique, mais qui ne tarde pas à devenir un symbole politique qui évoque l'épisode de l'esclavage des juifs à Babylone., Célèbre pour le chant "Va pensiero", le chant des hébreux, chœur des esclaves opprimés qui incarne la liberté tant désirée et le rêve de l’unification de l’Italie. L’enthousiasme patriotique irrigue l’oeuvre et tranche avec les partitions de Bellini et de Donizetti auxquelles le public est alors habitué. 


NABUCCO ROMA 12 mars 2011
Ce jour où la représentation s'est transformée en tribune politique. 
Rome debout pour Riccardo Muti
Le chef italien, qui dirigeait "Nabucco", de Verdi, a appelé à un "Risorgimento de la culture"

Le 12 mars 2011, l'Italie fêtait le 150e anniversaire de la création de Nabucco. Pour l'occasion, l'opéra de Giuseppe Verdi était dirigé à Rome par Riccardo Muti, devant un parterre de personnalités, dont Silvio Berlusconi. 
« Ce soir-là fut non seulement une représentation du Nabucco, mais également une déclaration du théâtre de la capitale à l’attention des politiciens. Avant la représentation, GIANNI ALEMANNO, le maire de Rome, est monté sur scène pour prononcer un discours dénonçant les coupes dans le budget de la culture du gouvernement. Et ce, alors qu’Alemanno est un membre du parti au pouvoir et un ancien ministre de Berlusconi.
Cette intervention politique, dans un moment culturel des plus symboliques pour l’Italie, allait produire un effet inattendu… Alors que le chœur arrivait à la fin du chant va pensiero, dans le public certains demandaient déjà un « Bis ! »... et le public commença à crier « Vive l’Italie ! » et « Vive Verdi ! » . Des gens du poulailler (places tout en haut de l’opéra) commencèrent ensuite à jeter des papiers remplis de messages patriotiques – certains demandant « Muti, sénateur à vie ». MUTI hésita à accorder le « bis » pour le Va pensiero car pour lui, un opéra doit aller du début à la fin. « Je ne voulais pas faire simplement jouer un bis. Il fallait qu’il y ait une intention particulière. . 
Mais le public avait déjà réveillé son sentiment patriotique. Dans un geste théâtral, le chef d’orchestre s’est alors retourné sur son podium, faisant face à la fois au public et à M. Berlusconi, et voilà ce qui s’est produit : 
Après que les appels pour un « bis » du « Va Pensiero » se soient tus, on entend dans le public : « Longue vie à l'Italie ! Muti répond : « Oui, je suis d’accord avec ça, “Longue vie à l’Italie” et c’est alors qu’il invita le public à (re)chanter avec le chœur des esclaves. Tout l’opéra de Rome se leva suivi du chœur qui lui aussi se leva... Muti s'adressa à la salle: "Ce n'est pas seulement pour la joie patriotique que je ressens, mais parce que ce soir, alors que je dirigeais le Choeur qui chantait "O mon pays, beau et perdu", j'ai pensé que si nous continuons ainsi, nous allons tuer la culture sur laquelle l'histoire de l'Italie est bâtie. Auquel cas, nous, notre patrie, serait vraiment "belle et perdue". cf. la vidéo de ce moment

Lien de l'intégralité de la représentation Arte Full Video 




mercredi, octobre 05, 2022

Les Mots d'Erri de Luca

 

Dans les mots de Erri De Luca

ERRI DE LUCA est né à Naples en 1950 et vit dans les environs de Rome. Dans les années 70, il milite au sein du mouvement « Lotta Continua » et travaille comme ouvrier durant environ vingt ans. Dans les années 90, il est conducteur de convois humanitaires dans l’ex-Yougoslavie, activité qu’il renouvelle lors de la guerre en Ukraine.
Erri De Luca a publié des romans, de la poésie, du théâtre, des traductions de l’hébreu antique et du yiddish. Son premier livre Non ora, non qui (Pas ici, pas maintenant) est paru en 1989. Le plus récent, Spizzichi e Bocconi, publié en Italie aux éditions Feltrinelli en 2022, n’est pas encore traduit en français. Pour le cinéma, il a écrit et produit des courts et longs métrages, le dernier étant Happy Times réalisé par Michael Mayer. En 2002, il reçoit le prix Femina étranger en France pour Montedidio et en 2014 le prix Européen de Littérature. En 2011, il crée la Fondation Erri De Luca. Il pratique l’alpinisme.


FESTIVAL D'AVIGNON Juillet 2022
"Dans les mots de Erri De Luca"
 Lecture de Textes d'Erri De Luca, dirigée par Christian Schiaretti
Cette lecture est née de la rencontre entre deux artistes amoureux de la littérature et du théâtre, réunis autour d’un écrivain italien qui se définit aussi comme un citoyen de la Méditerranée. Pour France Culture, Christian Schiaretti invite Wajdi Mouawad à se frayer un chemin dans les mots de Erri de Luca. Ensemble, ils dessinent un portrait subjectif de l’écrivain, entre prose et poésie, récits autobiographiques et épopée politique.

 
Extraits de "Le plus et le moins
"  et  poème "Aller simple " 
Avec Wajdi Mouawad
 « Aller simple est un poème dramatique, il dit la traversée de la Méditerranée par des femmes et des hommes de pauvreté vers les terres d’abondance. Il dit le commerce de leur traversée, il dit le commerce de leurs corps. Aller simple est comme un chant, alternant des choeurs et des voix solitaires, il avance dénudé. Aller simple, à bien écouter peut s’entendre dans son sens littéral : sans retour. Aller simple, à bien écouter peut s’entendre au moment de le dire comme une injonction : aller simplement, dire simplement. Le porter avec ce qu’il a de plus précieux : sa retenue. 
Alpiniste, homme des sommets, ce dégagement de solitude d’Erri De Luca nous offre un regard paradoxalement calme sur cette tragédie. La mer comme une montagne plate, une frontière d’infini dansant, traversée par des humains entassés mais toujours debout, sans colère, en appelant à notre précaution, notre pudeur, notre discrétion, là où peut se rendre peut-être la dignité. » - Christian Schiaretti

Podcast France Culture



LIRE

IMPOSSIBLE
Auteur : Erri de Luca / Traduction : Danièle Valin
Editeur : Gallimard - Prix André Malraux 2020 

On part en montagne pour éprouver la solitude, pour se sentir minuscule face à l'immensité de la nature. Nombreux sont les imprévus qui peuvent se présenter, d'une rencontre avec un cerf au franchissement d'une forêt déracinée par le vent. Sur un sentier escarpé des Dolomites, un homme chute dans le vide. Derrière lui, un autre homme donne l'alerte. Or, ce ne sont pas des inconnus. Compagnons du même groupe révolutionnaire quarante ans plus tôt, le premier avait livré le second et tous ses anciens camarades à la police. Rencontre improbable, impossible coïncidence surtout, pour le magistrat chargé de l'affaire, qui tente de faire avouer au suspect un meurtre prémédité.
Dans un roman d'une grande tension, Erri De Luca reconstitue l'échange entre un jeune juge et un accusé, vieil homme « de la génération la plus poursuivie en justice de l'histoire d'Italie ». Mais l'interrogatoire se mue lentement en un dialogue et se dessine alors une riche réflexion sur l'engagement, la justice, l'amitié et la trahison. (Sélection Rue des Livres)