Turin : Casa Museo Carlo Mollino, Carlo(s) Mollino(s)
Carlo Mollino fut un personnage hors du commun dans le monde de l'art de l’entre-deux-guerres. Esthète excentrique, il fut à la fois un architecte et un designer parmi les plus grands, mais également professeur à la Faculté d’Architecture du Politecnico de Turin, photographe, expérimentateur de nouvelles technologies, journaliste. Il a inventé un concept inédit de la descente à ski, fut un excellent pilote de voitures et d’avions d’acrobatie et s’est probablement aussi adonné à l‘occultisme.
CARLO MOLLINO, le Turinois
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En ce sens, Carlo Mollino est bien représentatif de sa ville natale : né à Turin le 6 mai 1905, il vivra, travaillera et y mourra le 29 août 1973. Turin... une ville secrète, située au confluent des deux rivières Po et Dora, et placé sur deux triangles superposés, l'un en connexion avec la magie blanche et l'autre avec la magie noire, Turin qui possède deux âmes et une séculaire tradition ésotérique (que l'on peut découvrir lors de parcours touristiques organisés dans la ville). Carlo Mollino... un artiste secret, bâtisseur rare et photographe prodigue méconnu de ses concitoyens jusqu'après sa mort.
CARLO MOLLINO, l'architecte
Fils d'un architecte de Turin, Carlo Mollino étudie
l'ingénierie et l'histoire de l'art avant de s'inscrire à l'Ecole
d'Architecture de Turin dont il sort diplomé en 1928. Il travaille ensuite dans
l'agence de son père. En 1937 il réalise ce que l'on considère comme son chef
d'oeuvre architectural : le bâtiment de la Societa Ippica de Turin (détruit
en 1960). Cette même année il commence à dessiner du mobilier et se lance dans la décoration d'intérieurs. Sorte de
Dali de l’architecture, Carlo Mollino a réinventé l’espace avec sa folie
artistique et son obsession des équilibres incertains. Considéré comme l’un de
plus grands architectes italiens de l’entre-deux-guerres, cet acrobate des styles qui s’enchevêtrent est l’auteur de nombreux chefs-d’œuvres dont le Teatro
Regio, son dernier.
Dans les années 40, sa conception très expressive du design, étiquetée "baroque turinois" our son biomorphisme exubérant s'oppose au rationalisme des designers milanais.Parmi ses œuvres originales, figure une série de tables, prototypes ou pièces uniques résultant d'un mélange stylistique disparate, du Baroque au Modernisme, du Rococo au Surréalisme, du Futurisme à l'Art Nouveau pour arriver à une liberté créative extraordinaire...parmi lesquelles la table en verre dont le plateau est supporté par une structure "paléontologique" en forme de colonne vertébrale. De même, les chaises des années 50 avec leur assise se prolongeant sans césure en dossier oblong, s'inscrivent dans une tendance biomorphique éloignée des canons du modernisme français d'un Jean Prouvé ou d'un Le Corbusier.
CARLO MOLLINO, l'aventurier
Carlo Mollino fut un brillant théoricien dans de nombreux domaines. L’architecture, le design, occupent bien évidemment une place à part, mais ce fou de ski s’intéresse également de près à la vitesse dans ce sport et publie dans les années 50 un traité "Introduzione al discessismo" exposant non seulement sa technique de descente mais aussi "une personnalité étrangement torturée". Tout en continuant sa brillante carrière, il s'intéresse à la mécanique et devient designer de voitures de course : il signe la OSCA 1100 et la BISULIRO de Maserati pour courir les 24 heures du Mans de 1954 et 1955... l'aviation acrobatique fit aussi partie de ses passions.
"Dès les années 1930, Mollino fait déjà des photographies similaires, au sein de ses maisons et appartements. Il photographie des jeunes femmes avec des accessoires, photographies reprises dans sa publication « Il messaggio dalla camera oscura » en 1949. Les photographies plus tardives, des années 1950, sont plus osées. Des jeunes femmes se dévêtent, mi-amusées, mi-effrontées, sous l’œil du spectateur. Le jeu, l’humour presque, semblent perceptibles dans ces images pourtant franches, crues, de corps abandonnés et offerts, de visages détournés ou défiants. Brisant la perspective par une multiplication de jeux de miroirs, de voilages ou de panneaux, il dissout l’espace réel pour en faire un lieu indéfini d’une grande puissance expressive, mêlant meubles aux matériaux bruts et douceur des soieries et des chairs. De même, dans ses photographies de nus, en noir et blanc ou en couleur, le modèle et son environnement sont toujours étroitement liés, dans une relation sensuelle et expressive.
La photographie restera toujours pour Mollino une démarche très personnelle, où il exprime son attachement à des thèmes qui lui sont chers, comme l’architecture, le ski, la voiture, ou les femmes. Il semble même que ces thèmes de prédilection se recoupent, ses meubles s’inspirant des courbes des femmes qu’il photographie, et celles-ci se fondant dans les courbes dessinées par le designer dans les photographies qu’il prend d’elles...."
La photographie restera toujours pour Mollino une démarche très personnelle, où il exprime son attachement à des thèmes qui lui sont chers, comme l’architecture, le ski, la voiture, ou les femmes. Il semble même que ces thèmes de prédilection se recoupent, ses meubles s’inspirant des courbes des femmes qu’il photographie, et celles-ci se fondant dans les courbes dessinées par le designer dans les photographies qu’il prend d’elles...."
CARLO MOLLINO, VIE SECRETE
Carlo Mollino eut une vie privée de célibataire très intense et cachée. Son obsession la plus personnelle fut découverte après sa mort : quelques 1300 Polaroids de femmes séduites, prostituées ou amoureuses qui ont posé pour lui et chez lui entre 1962 et jusqu'à sa mort en 1973.
"des POLAROIDS aux couleurs fanées, qui représentent des jeunes femmes, vêtues ou non, portant accessoires, perruques et costumes, lançant un air lascif à l’appareil...dans les décors familiers à Mollino. En effet, paravents, miroirs, lits, rideaux, chaises et mobiliers divers, sont ceux de la villa Zaira et ceux de sa dernière résidence dans la via Napoleone à Turin... Ces Polaroids à l’ambiance baroque et surannée d’un boudoir ou d’un gynécée moderne, sont très étudiées. La composition, la lumière, sont savamment travaillées, de même que les images elles-mêmes sont adoucies, pour correspondre plus à l’idéal féminin de Mollino. Les teintes sont sourdes mais restent douces, les poses érotiques sont contrebalancées par des airs parfois presque angéliques. Sculpturales dans des décors minimalistes, les modèles sont sublimées, et l’ironique opulence de ces mises en scènes rompt avec le caractère licencieux des photographies, rendant parfaitement compte de l’esthétique très précise de l’artiste, faite d’oppositions et de contrastes, entre ombre et lumière, épure et baroque, ésotérisme et sensualité."
"des POLAROIDS aux couleurs fanées, qui représentent des jeunes femmes, vêtues ou non, portant accessoires, perruques et costumes, lançant un air lascif à l’appareil...dans les décors familiers à Mollino. En effet, paravents, miroirs, lits, rideaux, chaises et mobiliers divers, sont ceux de la villa Zaira et ceux de sa dernière résidence dans la via Napoleone à Turin... Ces Polaroids à l’ambiance baroque et surannée d’un boudoir ou d’un gynécée moderne, sont très étudiées. La composition, la lumière, sont savamment travaillées, de même que les images elles-mêmes sont adoucies, pour correspondre plus à l’idéal féminin de Mollino. Les teintes sont sourdes mais restent douces, les poses érotiques sont contrebalancées par des airs parfois presque angéliques. Sculpturales dans des décors minimalistes, les modèles sont sublimées, et l’ironique opulence de ces mises en scènes rompt avec le caractère licencieux des photographies, rendant parfaitement compte de l’esthétique très précise de l’artiste, faite d’oppositions et de contrastes, entre ombre et lumière, épure et baroque, ésotérisme et sensualité."
Pour rajouter aux mystères, citons le livre que Mario Soldati publie en 1966 : L'Enveloppe orange (Le Promeneur), un récit d'amour construit sur la femme aimée et son double dont le héros se nomme Carlo...`
À l'occasion de la réédition du mythique livre Carlo Mollino,POLAROIDS (Damiani) Le magazine AD imagine dans un de ces articles, la rencontre qu'aurait pu faire ces deux Turinois...
"Automne 1965. Turin. Mario Soldati et Carlo Mollino descendent la via Giuseppe Verdi en direction du Po. Les deux hommes se connaissent depuis longtemps. Ils ont presque le même âge. En ce mois de novembre, tous deux, soixante ans. Voilà bien longtemps qu’ils ne se sont pas vus mais se sont croisés par hasard sur la place Castello. Carlo sortait du Teatro Regio dont on voulait lui confier la rénovation ; Mario, de l’appartement d’un couple d’amis qu’il était venu saluer. Les mains enfoncées dans les poches de leurs pardessus, ils se remémorent quelques souvenirs, de femmes, surtout.
Leur allure, décidée, pragmatique, réservée voire hautaine, ne saurait être plus piémontaise. Bientôt, à l’heure où la faible lueur des lampadaires se mêle aux prémices de la nuit, ils arrivent à la villa Zaira baptisée ainsi en souvenir d’une lointaine cousine de Carlo aussi libre qu’aimée. Quelques whiskies, des rires, puis : « Les Egyptiens, mon cher Mario, avaient l’obsession du double. Toutes les statues étaient sculptées par paire. L’une symbolisait le plaisir, l’autre, la nécessité. Sans cette harmonie partout représentée, le pharaon ne pouvait incarner la sérénité indispensable à son règne terrestre ni trouver la paix après sa mort. Il faut que je te montre quelque chose…
Du tiroir d’un secrétaire, Carlo sort une grande enveloppe orange qu’il vide devant Mario. Des dizaines de Polaroid, méticuleusement protégés par des cartes en bristol. Rien n’est laissé au hasard. La mise en scène, le décor, les poses… ces femmes affranchies de la crainte d’être vues, Soldati les imagine, assemblées côte à côte, couvrir les murs d’un tombeau. À genoux devant un rideau de canisses, une beauté semble s’amuser de l’objectif. « Voici Sandra. Qu’elle était belle Sandra ! » Et une autre, entre deux cierges, jambes écartées, le visage auréolé d’une coiffe métallique. « Et voilà, Méris. Ma préférée ! » Du poste s’échappent des paroles d’amour. Les yeux de Carlo brillent. La douceur, la langueur, la béatitude de la mélodie, les couleurs et les formes du mobilier, la scène a pour Mario valeur de révélation. « Son haleine fait la musique / Comme sa voix fait le parfum. "
"Automne 1965. Turin. Mario Soldati et Carlo Mollino descendent la via Giuseppe Verdi en direction du Po. Les deux hommes se connaissent depuis longtemps. Ils ont presque le même âge. En ce mois de novembre, tous deux, soixante ans. Voilà bien longtemps qu’ils ne se sont pas vus mais se sont croisés par hasard sur la place Castello. Carlo sortait du Teatro Regio dont on voulait lui confier la rénovation ; Mario, de l’appartement d’un couple d’amis qu’il était venu saluer. Les mains enfoncées dans les poches de leurs pardessus, ils se remémorent quelques souvenirs, de femmes, surtout.
Leur allure, décidée, pragmatique, réservée voire hautaine, ne saurait être plus piémontaise. Bientôt, à l’heure où la faible lueur des lampadaires se mêle aux prémices de la nuit, ils arrivent à la villa Zaira baptisée ainsi en souvenir d’une lointaine cousine de Carlo aussi libre qu’aimée. Quelques whiskies, des rires, puis : « Les Egyptiens, mon cher Mario, avaient l’obsession du double. Toutes les statues étaient sculptées par paire. L’une symbolisait le plaisir, l’autre, la nécessité. Sans cette harmonie partout représentée, le pharaon ne pouvait incarner la sérénité indispensable à son règne terrestre ni trouver la paix après sa mort. Il faut que je te montre quelque chose…
Du tiroir d’un secrétaire, Carlo sort une grande enveloppe orange qu’il vide devant Mario. Des dizaines de Polaroid, méticuleusement protégés par des cartes en bristol. Rien n’est laissé au hasard. La mise en scène, le décor, les poses… ces femmes affranchies de la crainte d’être vues, Soldati les imagine, assemblées côte à côte, couvrir les murs d’un tombeau. À genoux devant un rideau de canisses, une beauté semble s’amuser de l’objectif. « Voici Sandra. Qu’elle était belle Sandra ! » Et une autre, entre deux cierges, jambes écartées, le visage auréolé d’une coiffe métallique. « Et voilà, Méris. Ma préférée ! » Du poste s’échappent des paroles d’amour. Les yeux de Carlo brillent. La douceur, la langueur, la béatitude de la mélodie, les couleurs et les formes du mobilier, la scène a pour Mario valeur de révélation. « Son haleine fait la musique / Comme sa voix fait le parfum. "
Face à toutes ces grâces souriantes dans leur divine stupidité, ces deux vers de Baudelaire lui sont revenus à l’esprit. « Carlo, il nous aura fallu tellement de temps pour comprendre tout cela. Toutes ces idioties sorties de la bouche de nos mères que nous avons vainement affrontées, que nous avons fait subir aux autres femmes plutôt que de les aimer. Aujourd’hui, j’ai oublié tout ce que m’avait dit ma mère. Peut-être ne m’avait-elle rien dit. Peut-être ne m’a-t-elle jamais rien dit. »
LE FANTÔME DE CARLO MOLLINO
au MUSEO CASA MOLLINO
Fasciné par la vie et par son prolongement au-delà de la mort, C. Mollino commence en 1960 la réalisation d'un projet personnel autour d'un appartement secret, qu'il n'habitera jamais et qui est devenu aujourd'hui le "Museo Casa Mollino", fondé par Fulvio et Napoleone Ferrari en 1999, consacré à la recherche, à la valorisation et diffusion ainsi qu'à l'authentification de l'œuvre de C. Mollino.
Un intérieur très particulier qu'il avait imaginé pour lui et qui, à travers ses nombreux éléments ésotériques, permet de comprendre plus en profondeur certains aspects de la personnalité et de l'œuvre de l'architecte.
Turin, l’Egypte, la mort…. Turin, qui possède dans son célèbre Musée des Antiquités Egyptiennes l’une des plus grandes collection égyptologues du monde... la mort, ce deuxième épisode, qui pour l'Egypte antique, plonge dans le monde mystérieux de l'au-delà…. On peut imaginer que ces "fréquentations" furent des clefs pour un Carlo Mollino fasciné par l'existence possible d'une vie après la mort et notamment par l’histoire du tombeau de Khâ, architecte du roi (sous les règnes d'Amenhotep II, Thoutmôsis IV et Amenhotep III) et de sa femme Merit, tombeau datant de 3500 ans, retrouvée intact au début du XXe.
On pourrait encore faire référence à cette analogie : les anciens Egyptiens avaient des croyances très élaborés sur la mort et sur l'au-delà. La rive du Nil, à l'est, où apparaît le soleil, symbole de vie, appartient aux vivants. La rive du Nil à l'ouest, où disparaît le soleil, appartient aux morts. Turin située aux confluents des deux rivières, le Po et la Dora oscillerait entre magie noire et magie blanche...
Le Museo Casa Mollino, serait donc un véritable cénotaphe conçu par lui, dans l'idée de le faire vivre éternellement. Un tombeau pour le pharaon Mollino et pour ses "épouses" cachées...dans une "Enveloppe orange" ou dans un placard ?
La visite sur rendez-vous essaie de cibler un public intéressé plus que le grand public. De fait, les visiteurs sont avant tout des professionnels du design et de l'architecture, des photographes, des artistes et des amateurs éclairés, admirateur de l'artiste surdoué, curieux du personnage et de son univers, venus en pèlerinage pour mieux se rapprocher de cette œuvre "fantastique" (au sens littéral du terme) qui "s'est tout permis"...comme il l'avait annoncé.
Un intérieur très particulier qu'il avait imaginé pour lui et qui, à travers ses nombreux éléments ésotériques, permet de comprendre plus en profondeur certains aspects de la personnalité et de l'œuvre de l'architecte.
Turin, l’Egypte, la mort…. Turin, qui possède dans son célèbre Musée des Antiquités Egyptiennes l’une des plus grandes collection égyptologues du monde... la mort, ce deuxième épisode, qui pour l'Egypte antique, plonge dans le monde mystérieux de l'au-delà…. On peut imaginer que ces "fréquentations" furent des clefs pour un Carlo Mollino fasciné par l'existence possible d'une vie après la mort et notamment par l’histoire du tombeau de Khâ, architecte du roi (sous les règnes d'Amenhotep II, Thoutmôsis IV et Amenhotep III) et de sa femme Merit, tombeau datant de 3500 ans, retrouvée intact au début du XXe.
On pourrait encore faire référence à cette analogie : les anciens Egyptiens avaient des croyances très élaborés sur la mort et sur l'au-delà. La rive du Nil, à l'est, où apparaît le soleil, symbole de vie, appartient aux vivants. La rive du Nil à l'ouest, où disparaît le soleil, appartient aux morts. Turin située aux confluents des deux rivières, le Po et la Dora oscillerait entre magie noire et magie blanche...
Le Museo Casa Mollino, serait donc un véritable cénotaphe conçu par lui, dans l'idée de le faire vivre éternellement. Un tombeau pour le pharaon Mollino et pour ses "épouses" cachées...dans une "Enveloppe orange" ou dans un placard ?
(à y regarder de plus près...avec un pied en moins et une chainette de sécurité sur la porte, difficile de s'en échapper...)
MUSEO CASA MOLLINO
2, Via Giovanni Francesco Napione
10124 TORINO
Tél. 011-812 9868 - Courriel : cm@carlomollino.org
Dans le musée sont conservées les archives documentaires les plus complètes sur son activité de designer, qui ont permis la publication du catalogue raisonné I mobile di Carlo Mollino (Phaïdon, Londres, 2006).
Le musée a également publié trois ouvrages sur son activité photographique et de nombreux catalogues, réalisés à l'occasion des rétrospectives organisées par Fulvio et Napoleone Ferrari à la GAM de Turin, au Castello di Rivoli, à la Kunsthalle de Vienne, à la Nottingham Contemporary, à la Haus des Kuns de Munich.
DEJÀ PARUS : LIENS
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